Réflexions

14 Septembre 2025

Les Magiciens de l'Ombre

Quand le rideau se lève, tous les regards convergent vers la scène. Les danseurs brillent sous les projecteurs, incarnant la beauté, la virtuosité, l’émotion. Le chorégraphe, parfois mentionné, est salué pour sa vision et son univers. Les musiciens sont félicités pour avoir accompagné les artistes sur scène de façon passionnée. Mais derrière ce moment de grâce, derrière chaque mouvement que le public admire, une multitude de métiers essentiels restent dans l’ombre. Invisibles mais pourtant indispensables. Je dirai même essentiels car sans eux, le spectacle n’a pas lieu. Qui sont-ils ? Comment font-ils vivre le spectacle ?

La danse est souvent perçue comme un art du corps et du geste mais elle est avant tout un art collectif. Un spectacle ne se construit jamais seul. Pourtant, dans notre imaginaire et dans nos pratiques, nous oublions trop souvent celles et ceux qui œuvrent pour que l’art advienne.

Sans les régisseurs lumière et son, le spectacle ne serait qu’un espace vide. Ce sont eux qui sculptent l’atmosphère, qui transforment une salle obscure en univers habité et inspirant. La lumière raconte une histoire parallèle à celle des danseurs : elle souligne, efface, révèle. Le son, lui, enveloppe, rythme, guide les corps. Les machinistes et techniciens plateau manipulent décors, accessoires et vidéos. Leur précision est vitale : un contretemps, une erreur et la magie s’effondre. Pourtant, leur présence est conçue pour rester invisible : un spectacle bien exécuté, c’est quand on ne remarque pas leur travail.

Un danseur est rarement nu sur scène. Le costume n’est pas un simple vêtement : il traduit la vision artistique en matière et en texture. Il évoque l’époque, l’intention, l’esthétique. Les costumiers imaginent, les couturiers cousent et façonnent, les habilleurs ajustent dans l’urgence des coulisses. Et personne ne voit l’angoisse d’une bouton qui lâche au dernier moment, ou d’un accessoire qui casse tout juste avant l’entrée en scène…

Le maquillage et la coiffure façonnent des identités. Ils transforment les visages en masques, accentuent un trait, amplifient une émotion. Sans eux, les corps ne vibreraient pas de la même manière sous les feux de la rampe. Un travail minutieux et précis qui exige patience et précision.

Un projet de danse, ce n’est pas seulement une création artistique : c’est aussi une bataille administrative et financière. Chargés de production, administrateurs, diffuseurs, communicants : ils négocient, prévoient et trouvent le budget nécessaire, programment, rédigent, défendent, promeuvent. Ils courent après des financements, écrivent des dossiers, construisent des plannings. Sans eux, pas de salle, pas de cachet, pas de tournée. Leur travail n’est ni glamour ni visible mais il est vital. La danse est exigeante, parfois cruelle. Les corps s’usent. Sans kinés, ostéopathes, préparateurs physiques, combien de danseurs pourraient encore tenir après une blessure ? Ces métiers ne montent jamais sur scène mais ils prolongent les carrières, ils maintiennent les corps vivants. À leurs côtés, répétiteurs, dramaturges, conseillers artistiques offrent un regard extérieur, affûtent le sens, corrigent un geste. Leur exigence nourrit l’œuvre, même si leur nom ne figure pas toujours sur l’affiche.

N’oublions pas qu’il y a souvent les bénévoles : ceux qui accueillent le public, installent des chaises, distribuent des programmes. Ceux qui prêtent une main, un lieu, une énergie. On ne les cite jamais mais leur dévouement est un ciment précieux du monde de la danse.

L’invisibilisation de ces métiers tient à cette habitude de valoriser uniquement le visible, le spectaculaire. Il est aussi important de souligner que les programmations, les critiques et les médias veulent des visages et des noms à mettre en avant. Et que l’économie culturelle réduit l’art à des têtes d’affiche, laissant les autres dans le silence. Mettre en lumière ces métiers, c’est reconnaître que la beauté naît d’un partage, d’une collaboration où chaque geste compte — qu’il soit sur scène ou en coulisses. C’est remercier et avoir de la gratitude vis-à-vis à celles et ceux qui ne montent jamais sous les projecteurs mais qui sont essentiels aux artistes. Applaudir les interprètes, oui et aussi ceux qui allument la lumière, qui veillent sur les corps, qui transforment des physiques, qui structurent les projets, qui s’affairent au bon déroulement du spectacle dans la plus grande discrétion. Car sans eux, il n’y a pas de danse.

Et si, la prochaine fois que nous applaudissons un spectacle, nous élargissions nos mains à toutes celles et ceux qui, dans l’ombre, rendent possible l’expression du beau ?

29 avril 2025

La danse au-delà des murs

Casser le « «Quatrième Mur ». Tel est le phénomène qui se développe depuis des décennies dans le secteur culturel. La culture est bien plus qu’un simple loisir : elle est un vecteur d’émancipation, de lien social et de construction personnelle. Démocratiser l’accès à la culture, c’est reconnaître que l’art, le patrimoine, les savoirs doivent être partagés et accessibles à chacun. Mais que veut dire cette expression « Quatrième mur » ? Comment démocratiser la culture et la danse principalement ?

À l’origine, dans le théâtre classique, la scène est entourée de trois murs visibles (à Jardin – gauche, à Cour – droite et en fond de scène au fond) — et on imagine un quatrième mur invisible qui sépare les acteurs du public. Tant que ce « mur » reste en place, le public est placé en simple spectateur. Casser ce quatrième mur invisible, c’est rentrer en contact direct avec l’auditoire, l’intégrer dans la représentation elle-même. La ligne imaginaire entre la scène et la salle éclate pour laisser place à un nouveau type de dialogue des artistes avec le public.

Dans le milieu de la danse, ce phénomène en développement se traduit par des représentations dans l’espace public dans lesquelles souvent le public est intégré dans le spectacle sous forme participative et évidemment volontaire. La danse dans l’espace public bouscule les cadres habituels de réception. Elle s’adresse aux passants, aux curieux, à ceux qui n’auraient peut-être jamais franchi les portes d’un théâtre mais aussi à tous ceux qui ne s’arrêtent pas. Cette proximité directe entre l’artiste et le public participe d’un mouvement de démocratisation de l’accès à la culture : elle fait tomber certaines barrières sociales, économiques et liées à des stéréotypes qui n’ont plus lieu d’être. Au-delà des offres mises en place par les différentes institutions culturelles envers les jeunes, les quartiers défavorisés, les familles, les personnes en situation de handicap, nous – artistes – prenons à cœur de permettre au plus grand nombre de s’instruire, développer l’imagination, de tisser un lien avec le beau.

De plus, l’espace public devient un terrain d’exploration artistique pour tous les styles de danse. Loin des scènes habituelles danser dans la rue, sur les places ou dans les parcs et les musées permet aux artistes de faire valoir leurs talents, de défendre leur art tout en permettant au public de découvrir parfois pour la première fois – en réel et non derrière un écran – un style de danse. Les danses contemporaines et urbaines sont aux avant-gardes de ce type de manifestation. Rien n’exclut que les danses traditionnelles ou même la danse classique se saisissent du sujet et investissent, elles aussi, les lieux du quotidien.

La notion de spectateur change alors de dimension. En effet, dans le cas d’une représentation dans l’espace public, il n’est plus question d’acheter une place de spectacle et rester assis dans une salle mais bel et bien d’oser s’arrêter, d’observer, d’imaginer, de dialoguer avec les artistes et le reste du public.

Ce format de représentation est aussi un défi pour les artistes. Ils doivent prendre en considération plusieurs paramètres qu’ils ne « maîtrisent » pas comme l’inattention, voire l’irrespect parfois d’une partie du public ou l’imprévisibilité liés aux des conditions sur place. Les artistes se saisissent de ce cadre différent pour alimenter la richesse de la proposition chorégraphique par le biais de l’architecture, de l’histoire et de la nature de ces lieux de vie.

Pour conclure, l’art est aussi dans la rue ! Il est primordial que dans notre pays, l’accès à la culture soit répandu de manière large. Sans négliger l’importance des lieux de culture comme les théâtres, amener la danse dans d’autres cadres comme les musées, la rue ou dans la nature est un acte fort, essentiel. Casser ce « Quatrième mur » c’est s’unir, partager, se laisser surprendre et vivre ensemble au-delà des murs.

« J’ai tendu des cordes de clocher en clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse. »

Arthur Rimbaud

 

19 novembre 2024

L'art de transmettre : la vitalité de la danse

La transmission de la danse dépasse l’aspect brut de l’apprentissage d’un ensemble de mouvements. Elle résulte de la transmission d’un état d’esprit – c’est-à-dire d’un échange entre âmes, de témoignages, d’émotions, de valeurs fondamentales, de savoirs. Comment transmettre un art qui passe de génération en génération principalement par la parole et le geste ? Quels en sont les outils ? Comment transmettre au XXIème siècle ?

La danse est un art du mouvement défini par une codification des gestes, positions et déplacements. La codification établit une unité de règles et usages, un vocabulaire et des méthodes permettant une cohérence dans chaque style. Elle permet de différencier les dialectes et les styles chorégraphiques. Selon les époques, la transmission se partage via des outils différents.

Les premières traces d’une codification des mouvements dansés se situent au Moyen-Âge par l’utilisation d’abréviations sur les partitions musicales –tout juste nouvellement apparues – permettant une lecture simultanée du mouvement et de la musique. À la fin du XVIIème siècle, la danse baroque – terme apparu au XXème pour définir ce répertoire et cette technique – a vu apparaitre la notation Beauchamps-Feuillet grâce aux différents traités publiés par ces deux maîtres à danser réputés. Ils ont été rédigés dans le but d’enseigner l’art noble et obligatoire – à l’époque – de la Belle Danse à la Cour de Louis XIV. Grâce à une volonté de ce dernier d’étendre l’influence de la France, de défendre la Culture française en plus de l’intérêt des pays voisins pour celle-ci, ces écrits ont permis de diffuser ce style de danse dans les plus grandes Cours d’Europe. Aujourd’hui, nous sommes en possession de nombreux traités comme ceux de M. Feuillet : Chorégraphie ou l’art de décrire la dance de 1700 et M. Rameau : Le Maître à danser – rédigé en 1725. L’émergence de la danse contemporaine ou moderne a vu l’apparition de nouvelles notations. En effet, Rudolf Laban a mis au point en 1928 une nouvelle approche permettant de noter le mouvement . Le système d’écriture évolue car il se lit de bas en haut et non de gauche à droite comme sur les partitions musicales. Autre élément : son système accentue les éléments fondamentaux comme le poids du corps, déplacements dans l’espace, durée du mouvement et la partie du corps utilisée. Pour M. Laban – danseur d’origine d’Allemagne de l’Est qui a longtemps étudié le mouvement-, ces éléments se basent sur quatre questions essentielles : Que se passe-t-il ? Quand cela se produit-il ? Combien de temps cela dure-t-il ? Quelle personne ou quelle partie du corps exécute ce mouvement ? Rudolf et Joan Benesh, mathématiciens britanniques,   imaginent une autre écriture en 1955. Cette dernière notation se concentre sur les déplacements, relations entre danseurs et relation à l’espace, au rythme et à l’analyse du mouvement. À l’époque, l’utilisation de la vidéo au titre d’enregistrement et de diffusion n’était pas encore assez développée dans le milieu chorégraphique. La notation Benesh est répandue pour le ballet quant à la notation Laban, elle est plus courante en danse moderne ou contemporaine. Ces deux écritures sont répandues dans le monde entier et sont aussi enseignées dans de grandes écoles de renom à l’image du CNSMDP. Pour résumé, chaque système a un mode de pensées unique. Tout le monde peut créer sa propre notation. 

Outre ces écrits – si précieux – et ces différentes notations, la danse quel qu’en soit le style fait usage d’un outil naturel et commun : la parole. Transmettre la danse par la voix a la particularité de rendre vivant et éphémère un mouvement tout aussi fugace. Cette fragilité donne à la transmission une couleur de rareté. Seulement, cela renforce l’inquiétude d’une disparition de différents styles de danse. Le maître ou chorégraphe a une responsabilité immense à transmettre à son élève ou interprète les codes en question. N’oublions pas que la mémoire peut faillir. Raison pour laquelle, les cours de danses se déroulent de façon récurrente pour permettre à l’élève d’accumuler l’ensemble des savoirs transmis. Les codes et nuances de chaque mouvement peuvent ainsi être mieux enseignés grâce à la régularité des leçons en studio.

La danse est un art essentiel de notre patrimoine culturel. Dans un grand nombre de régions de France et du monde, des danses locales et traditionnelles ont permis d’affirmer l’identité de territoires. À titre d’exemple, les danses bretonnes, folkloriques, indiennes, tribales et tant d’autres font parties intégrantes du patrimoine immatériel de l’Humanité (avec ou sans label reconnu) car elles expriment des traditions et défendent des valeurs. Transmettre ces styles de danse de nos jours, c’est préserver un héritage culturel altérable ou menacé, tout en l’amenant de façon plus ou moins moderne au public. Il est primordial de soutenir les structures ou bals permettant de pérenniser le passage du témoin aux nouvelles générations.

La danse brille lorsque l’incarnation prend le dessus sur la technique. Un danseur donne, exprime et partage des émotions avec le public. À son tour, c’est l’artiste qui enseigne des fragments de vie aux spectateurs. Pour en arriver à ce stade, il est imputé au maître et au chorégraphe de déceler et faire éclore l’expression artistique de chaque danseur. Lui-même a le devoir de « s’ouvrir » avec authenticité sur scène.

Le mouvement définit la danse. On peut constater l’évolution des styles, des systèmes de notation aussi par une mode actuelle qui consiste à mêler des danses traditionnelles avec des styles modernes. À l’image de compagnies de danse baroque qui modernisent leur approche avec du moderne, des danses bretonnes sur des musiques électroniques, des spectacles de hip-hop sur des musiques classiques… La démocratisation progressive de la danse permet – à juste titre- de rendre visible des styles de danse peu connus. Il est de plus en plus courant d’avoir des cours de notation ou de danse d’époque dans des conservatoires.

L’empire démesuré des réseaux sociaux et le développement de nouveaux sites ou applications amènent les artistes à se saisir de cet outil pour transmettre leur art. Les danseurs cherchent à s’adresser à un large public. L’utilisation de la vidéo et donc la diffusion permettent de garder une trace matérielle et d’éveiller la curiosité. Cependant le but de la vidéo de danse est de plus en plus détourné de son but ultime. De nombreux contenus proposés sur internet comme des tutoriels en ligne, des cours virtuels se multiplient au détriment de l’essence même de la danse : le vivant. Apprendre la danse, c’est aller s’instruire et se former au près d’un maître dans un studio de danse et non pas derrière un écran.

La transmission de la danse est un sujet essentiel. Elle implique des questions sur l’identité, l’innovation, la culture et la communauté. La passion et l’engagement des maîtres, chorégraphes, élèves et artistes sont cruciaux pour maintenir la vitalité et la richesse de cet art. Avec les défis et les opportunités que suscite la modernité, la danse continue d’évoluer tout en cherchant à préserver les traditions qui lui donnent sens. À nous tous de voir, parler, partager, écrire, filmer la danse … et danser.

08 septembre 2024

Danse et Handicap : une rencontre indispensable

À l’heure où se clôturent les Jeux Paralympiques, le monde gardera le souvenir de performances incroyables et inspirantes. Si les engagements et les campagnes d’inclusion vis-à-vis des porteurs de handicap, quels qu’ils soient, se multiplient de plus en plus, associer danse et handicap semble contradictoire et incompatible. Pourquoi ? Car la danse est un art sensible qui allie une suite rythmée et harmonieuse de gestes et de pas à une extériorisation émotionnelle et sa pratique nécessite une bonne condition physique, mentale et émotionnelle. Mais la danse est-elle si inaccessible aux personnes handicapées ? Quels sont les effets de la danse sur les différents types de handicap ? Comment changer notre regard sur le sujet ? 

La danse est perçue comme un domaine élitiste, réservé à ceux qui ont des capacités physiques « normales ». Or, toute personne, même porteuse d’un handicap, possède une sensibilité, des émotions, des qualités physiques et créatives, un imaginaire. Toutes choses que l’art permet d’exprimer et de célébrer. La danse offre aux personnes en situation de handicap un moyen d’exprimer des émotions, de raconter des histoires et de partager des expériences, d’être et de faire ensemble. Danser permet d’explorer son corps, de se reconnecter à soi-même et de mettre en avant une forme de beauté qui transcende les normes esthétiques traditionnelles. En effet, la notion de corps est tout particulièrement importante pour ce public. La danse peut donc aider les porteurs de handicap à la compréhension de leur corps et l’appréciation de leurs mouvements au bénéfice d’une amélioration des sens, d’une évolution particulière de la psychomotricité et d’une meilleure estime de soi. De plus, le mouvement peut être plus puissant que les mots et la danse devient alors un moyen de communication pour ceux qui se sentent souvent au ban de la société. Les danseurs en situation de handicap peuvent se sentir valorisés et reconnus pour leur talent et leur créativité. La danse peut être le tremplin pour développer des compétences motrices, la coordination et la souplesse, tout en offrant un cadre social positif où les individus se rassemblent, interagissent et créent des liens.

La danse peut jouer un rôle clé dans la sensibilisation aux questions liées au handicap. Des performances mettant en scène des danseurs en situation de handicap peuvent changer profondément les regards et les idées reçues et ouvrir des dialogues sur la diversité corporelle. De telles initiatives peuvent contribuer à changer les perceptions, à promouvoir l’acceptation et à encourager une société plus inclusive. Le duo composé de Gladys Foggea, danseuse paraplégique et Maxime Thomas, danseur de l’Opéra de Paris en est un parfait exemple avec leur spectacle Passage. Le passage de la Flamme Paralympique à Paris leur a permis de montrer aux yeux du monde – particulièrement en France – que tout le monde peut danser. La Cérémonie d’Ouverture des Jeux Paralympiques en est la preuve. 

Rappelons que la danse n’est qu’adaptabilité. La danse est une recherche permanente de nouveaux mouvements et d’une spontanéité vivante. Les danseurs doivent sans cesse s’adapter aux scènes, accessoires, costumes, mouvements, rythmes… alors pourquoi ne pas adapter son regard à des corps et mouvements différents pour faire émerger une richesse artistique ? Heureusement, des initiatives ont vu le jour pour adapter les techniques de danse aux différents types de handicap, qu’il soit moteur, sensoriel ou mental. Cela peut inclure l’utilisation de fauteuils roulants, d’aides techniques ou la création de chorégraphies spécialement conçues pour des danseurs avec des handicaps variés. De plus, la sensibilisation passe par la compréhension par le public du handicap. Un nombre important d’associations voient le jour dans ce but, à l’image de Danse les yeux fermés fondée par Fabienne Haustant qui enseigne la danse à un public porteur d’un handicap visuel tout comme à des valides, avec la particularité d’être tous les yeux bandés. Tout cela devrait donner ensuite l’opportunité à ces para-danseurs de danser sur des scènes prestigieuses à condition que l’environnement soit adapté. Les institutions culturelles ont le pouvoir de rendre visible ces danseurs porteurs d’un handicap. 

La rencontre entre la danse et le handicap est une source d’inspiration et d’innovation. Elle nous rappelle que la beauté du mouvement réside dans son authenticité et que chaque corps a une histoire à raconter. La danse est un art qui transcende les barrières physiques et émotionnelles. En encourageant l’inclusion, la danse continue de montrer qu’elle est un art universel, capable de rassembler les individus. La réflexion autour de la danse et du handicap nous pousse à envisager un monde où l’art et l’expression sont accessibles à tous, en accentuant les nécessaires avancées politiques par un changement de regard sur le handicap. Et pour conclure, qu’y a-t-il de plus beau qu’une personne porteuse de handicap qui brille de joie ? C’est pourquoi je vous invite à soutenir de toutes vos forces et pousser la voix pour nos merveilleux para-athlètes au-delà de ces Jeux Paralympiques à l’égal des para-danseurs ! Comme eux, osons !

19 mai 2024

La danse : art ou sport ?​

Alors que l’Assemblée Nationale a voté récemment une proposition de loi en première lecture visant à professionnaliser l’enseignement de la danse en tenant compte de la diversité des pratiques, un débat de longue date ressurgit dans le milieu de la danse. Pour nombre d’entre vous qui avez regardé un documentaire, un film ou une série ou bien écouté des sportifs ou danseurs dans des émissions radiophoniques ou podcasts, vous avez dû surement faire un parallèle entre sportifs et danseurs. Avec la puissance des réseaux sociaux, vous êtes devenus d’une certaine manière « passionnés » par la recherche d’une nouvelle performance toujours plus impressionnante. Est-ce que la danse est un art ? Ou bien est-elle un sport ? Mon propos vise à prendre position sur ce sujet et à éclairer les curieux.  

Sous l’unique prisme de la condition physique et donc du corps, la danse est associée à un sport à part entière. Il est demandé à chaque danseur d’avoir une condition physique exemplaire pour fournir un effort intense et ce sur de longues périodes. En effet, les danseurs s’entrainent à raison de six heures par jour environ en plus des heures de représentation. Pour cette raison, les danseurs commencent leur journée avec une préparation physique qui les emmène ensuite vers le cours de danse pour que leur corps ait la capacité d’absorber toutes les demandes. Instrument de travail des danseurs, le corps fait l’objet d’une attention particulière de la part des équipes médicales mais avant tout, du danseur lui-même pour éviter toute blessure. Pour cela, il est demandé de la rigueur dans le travail fourni par chaque danseur.  Les requis de la danse comme ceux du sport exigent de la précision, de la coordination, de l’agilité, de l’endurance, de l’aisance dans chaque mouvement et bien d’autres qualités.

Le sens même de la danse n’est pas de battre des records, ni de concourir pour gagner, ni participer aux Jeux Olympiques ou Paralympiques. Alors certes, il existe des concours de danse à l’image du réputé Concours de Lausanne ou le breakdance devenu depuis peu une épreuve olympique. A cela, je répondrai sur le premier point qu’il s’agit avant tout d’un tremplin pour des jeunes qui souhaitent entrer dans la vie professionnelle. Sur le second sujet, c’est une manière de rendre visible un style qui met plus en avant des prouesses techniques qu’artistiques. Ainsi les organisateurs font le pari d’attirer un nouveau public de jeunes à la recherche d’adrénaline sportive.

La danse, au sens artistique du terme, c’est un supplément d’âme. Comme dirait Friedrich Nietzsche, l’art de la danse est une incarnation de la « volonté de puissance », principal moteur de tout être humain. Derrière ce langage sont évoquées la liberté d’expression, la créativité, la joie de vivre principalement. La danse est, selon lui, « sacrée ». Lorsqu’un danseur s’exprime sur scène, ou ailleurs, il incarne une histoire narrative ou abstraite. Il cherche la communion d’émotions. Il traduit la musique qui l’accompagne. Il interprète des personnages avec un sens théâtral. Il vous emporte dans un univers qui peut tendre jusqu’à la spiritualité. La danse permet à chacun d’affiner sa vision sur son corps, sur ses ressentis, sur sa vie. Par la danse, des idées politiques, sociales ou culturelles peuvent être transmises à l’image de cet appel à la paix « Kadamati » qu’a créé Akram Khan, chorégraphe britannique reconnu dans le monde entier et dans lequel j’ai pu danser en 2019 sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris.  

Comme vous l’aurez compris, je ne peux concevoir la danse comme un sport. Renier cette part du sensible serait une atteinte à ce qui constitue une part d’Humanité. Oser dire à un danseur qu’il est considéré, au vu de la loi, comme un sportif et devoir dépendre du Ministère des Sports, cela se rapproche du « blasphème». Comment en France, dans le pays de la danse, peut-on tenir de tels propos ? Où est la part d’incarnation ou d’interprétation chez le sportif ? La danse requiert évidemment une préparation physique similaire aux sportifs de haut-niveau. Cependant, le supplément d’âme primera toujours, selon l’artiste que je suis.

04 décembre 2023

La Culture 2.0

Depuis quelques années, l’émergence de l’intelligence artificielle s’accroit dans tous les secteurs. La technologie remplace la présence humaine dans certains de nos commerces. Un nombre conséquent de plateformes, d’outils informatiques ou sites permettant de créer, modifier des œuvres, se multiplient sur le net. La mode actuelle est de créer des peintures, de composer des œuvres musicales ou bien de rédiger des ouvrages ou discours avec CHATGPT et ses semblables. L’intelligence artificielle menace-t-elle les artistes et leurs arts respectifs? L’IA remplacera-t-elle l’esprit humain?

Avant de s’interroger, revenons au début. L’intelligence artificielle est un ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l’intelligence humaine (Larousse). Son but est de permettre d’agir et de penser de manière humaine. Quant à l’art, c’est le résultat obtenu par le procédé de création d’une œuvre guidé par un talent, une habilité ou un don tout en manifestant un goût ou un sens artistique poussé

Le génie d’un artiste réside dans sa capacité à assembler un ensemble de connaissances, parfois contraires, sous le prisme des émotions, de l’imaginaire et de l’expérience du vivant. L’Humain vit, ressent, voit, touche, entend, palpite contrairement à une machine technologique. La notion de temps est primordiale au processus de création car les heures consacrées à la création, à l’évolution d’une œuvre procurent de la richesse à celle-ci. Or l’IA fait abstraction de ce processus de maturation, comme les bons vins, par la vitesse d’exécution. Pour illustrer mon propos, chaque artiste sème une graine (une idée) qu’il cherche à faire croître en une fleur l’œuvre). La météo, l’entretien, la patience, l’observation sont les éléments qui permettent à la fleur de s’épanouir dans le temps long. Quant à l’IA, la fleur créée sera une fleur en plastique, bien commune, qui ressemblera à toutes les autres. La différence est frappante. C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui rend ta rose importante – Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry. Outre la notion de beauté qui consisterait à définir les paramètres de nos propres goûts, tout ce qui est éphémère, imparfait, parfois même hésitant peut donner une valeur ajoutée, une incarnation à une œuvre d’art. La recherche de perfection où tout est réfléchi, sans le moindre petit écart, d’autant plus par une machine, efface cette valeur.

L’avantage principal de l’utilisation de l’IA est de pouvoir accélérer un processus de création mais aussi d’accumuler un catalogue d’œuvres. Un artiste pourrait ainsi utiliser ce moyen pour asseoir sa notoriété dans un monde où le nombre de likes ou de vues importent plus que l’œuvre elle-même. Notre société se robotise du fait de l’omniprésence des nouvelles technologies. Sans doute, faut-il s’interroger sur la juste place de ces technologies dans nos quotidiens.

« L’art, l’exploration mais aussi la science sont des activités qui sont en quelque sorte fondées sur l’inefficacité, outrement dit qui ne sont pas orientées vers l’atteinte d’un but déterminé, ce genre de tâche restera l’apanage de l’humain, qui est si performant dès qu’il s’agit d’être inefficace…p.293 (Kevin Kelly dans La Guerre des Intelligences).

Face à ce nouveau défi pour le monde culturel, je reste persuadé que l’Art survivra tant que le public mais avant tout les artistes considéreront l’Art comme une expression sincère d’un fragment de vie. Notre rôle à chacun est de donner à chaque fois, à chaque représentation le meilleur de nous-mêmes pour construire les plus belles œuvres d’Art. Avec sincérité.

05 octobre 2023

La Culture à l'école, le socle d'une société

L’éducation artistique et culturelle (EAC) joue un rôle essentiel dans l’évolution de soi. C’est pour cette raison que le Ministère de la Culture tente de généraliser cet enseignement dès le plus jeune âge dans le plus grand nombre d’établissements scolaires. Cependant, l’EAC reste encore trop faible au vu du manque de connaissances de certains jeunes sur la Culture ou de l’ignorance d’autres qui ne considèrent pas les métiers artistiques comme un réel tremplin professionnel. Comment se fait-il que de nombreux parents et d’enseignants minimisent l’importance de cet enseignement ? Pourquoi la Culture est-elle si peu présente à l’école ?

Tout d’abord, l’enseignement des arts possède de nombreux bienfaits dans le développement intellectuel, personnel et éducatif. Outre, l’encouragement de la créativité et l’éveil des sensibilités, cet apprentissage incite à la réflexion. Se poser des questions sur les œuvres, sur le monde, sur soi. Les jeunes peuvent ainsi établirent leurs valeurs ou croyances, s’inscrire dans une tradition culturelle, s’ouvrir à d’autres horizons et continuer à apprendre sur eux-mêmes tout en identifiant ce qu’ils aiment et n’aiment pas. Ils apprennent ainsi le difficile exercice qu’est la critique. Le rôle des enseignants est de leur amener tous ces outils de développement tout en veillant à recontextualiser chaque œuvre à son époque d’origine. Ce dernier point est fondamental face au risque de réécriture de plusieurs pans de l’Histoire. En apprenant aux jeunes générations à connaître et à apprécier leur patrimoine culturel, cet enseignement contribue à renforcer leur identité culturelle et à favoriser l’attachement à leur héritage.

Ensuite, l’enseignement artistique et culturel permet de s’ouvrir à des mondes nouveaux et de développer une curiosité à la différence tout en affutant son ouverture d’esprit. A cela s’ajoute l’identification de nouveaux modes d’expression autres que le langage verbal. Effectivement la musique, la danse, le théâtre, les arts visuels ou plastiques ou encore la littérature permettent tous l’expression de nos pensées. L’occasion de développer confiance et estime de soi dans un environnement souvent marqué par les peurs de l’échec et le mal-être.

Enfin, l’enseignement artistique et culturel développe des compétences transversales. Il apprend aux jeunes à travailler en groupe, à collaborer, à communiquer, à écouter les autres et à respecter les opinions différentes. Ces qualités sont essentielles pour vivre et agir en société, que ce soit dans un contexte professionnel ou personnel.

Bref, l’école ne peut plus se limiter à obliger les jeunes à rentrer dans des cases au moment de leur orientation. De même, combien de fois les professeurs d’arts plastiques ou de musique sont caricaturés ? Combien de jeunes passionnés par les arts sont harcelés ? En tant qu’artiste, je ne peux me résoudre à un nivellement par le bas de notre savoir intellectuel et de notre culture. Soutenir la généralisation de l’EAC est pour moi pur bon sens et devrait procéder des savoirs fondamentaux. La Culture prendrait enfin une part importante dans la vie des individus. Face aux grincheux qui trouvent cela inutile, charge à nous tous d’amener la Culture au plus près des jeunes. Nous avons cette impérieuse obligation car agir en ce sens, c’est leur donner les clés de l’avenir.

30 mai 2023

La Culture est notre boussole
La Culture nous sauvera

Actuellement, le phénomène de Cancel Culture se répand de plus en plus dans notre société. Les polémiques s’accumulent dans le milieu culturel. S’il est légitime de relever les pratiques sociétales et culturelles des siècles précédents qui ne correspondent plus à nos valeurs actuelles, des limites s’imposent. Il est bien sûr heureux que l’on se rende compte aujourd’hui à quel point la société a évolué depuis des siècles. Des œuvres artistiques en adéquation avec notre époque voient le jour, participant ainsi à la réflexion que l’on peut se faire d’un sujet. Elles témoigneront pour le futur. Mais devons nous forcément oublier notre passé ? Devons nous vraiment réécrire notre littérature à l’aune d’une nouvelle censure, ou bien même déboulonner des statues de personnalités qui ont marqué l’Histoire ? En détruisant ou rééditant selon notre point de vue moderne des œuvres, sans au préalable recontextualiser celles-ci, nous perdons ainsi une part de notre identité et de notre culture. De plus, cela renvoie à la question « Peut-on séparer l’œuvre de son auteur ? » posant alors un nouveau et délicat débat. Ma conviction est qu’une
société qui refuse son passé et sa culture est une société sans avenir.

Je conçois la Culture comme un phare nous guidant dans les crises que notre société connait et connaitra. J’ai la profonde conviction que c’est par l’Art et la Culture que nous parviendrons à recréer un lien fraternel entre tous, tout en respectant l’opinion d’autrui. A tous les acteurs du monde culturel et à tous ceux qui portent l’art haut dans leur cœur, ces quelques mots: vous êtes les inspirateurs d’un monde éveillé, prêts à défendre ce qu’il y a de plus beau dans la création et le génie de l’homme. Vous êtes des lumières qui illuminent cette civilisation, avec sincérité, quand elle semble vaciller dans la noirceur de notre folie. Vous êtes aussi les dignes héritiers des millions d’artistes qui nous ont précédés. Vous êtes les porte-drapeaux d’une noble cause qui dépasse nos simples personnes. Cette cause ne doit pas cesser de vivre. Car la Culture est une boussole, la Culture nous sauvera.

 

Retour en haut